A cet emplacement s’élevait l’Hôtel de Langeac, élégant hôtel particulier entouré d’un vaste jardin, édifié en 1768 par l’architecte Chalgrin pour Louis-Phélypeaux, Comte de Saint-Florentin, Duc de La Vrillière, l’un des principaux ministres de Louis XV (le Comte de Saint-Florentin fit également construire par Chalgrin, entre 1767 et 1769, le magnifique hôtel particulier connu sous le nom d’Hôtel de Saint-Florentin, désormais Hôtel de Talleyrand / George Marshall Center, situé rue Saint-Florentin, à l’angle de la place de la Concorde, et propriété du Gouvernement américain depuis 1950).
L’Hôtel de Langeac, situé à la Barrière de Chaillot, aux limites de la ville, fut la résidence de Thomas Jefferson de 1785 à 1789. Jefferson était arrivé en France un an plus tôt, pour seconder Benjamin Franklin puis John Adams. C’est lors de sa nomination comme Ministre plénipotentiaire auprès du Royaume de France, le 10 mars 1785, que Jefferson décida de louer une résidence plus appropriée à ses nouvelles fonctions. La location de l’Hôtel de Langeac s’élevait à 7.500 livres par an.
Dans une lettre écrite à Abigail Adams et conservée à Monticello, Thomas Jefferson écrivit le 4 septembre 1785 : « Je me suis enfin procuré une maison située de manière bien plus plaisante que celle que j’ai actuellement. Elle est à la grille des Champs-Élysées, mais dans la ville. Elle me convient à tous égards en dehors du prix, qui est plus élevé qu’aujourd’hui. Elle dispose d’un joli jardin ».
Lorsque Jefferson se rendit à Versailles pour présenter au Roi Louis XVI ses lettres de créance, le 17 mai 1785, celui-ci remarqua : “Ah, c’est vous qui remplacez le Docteur Franklin”. Jefferson lui répondit : “Non votre Majesté, personne ne peut remplacer le Docteur Franklin. Je suis seulement son successeur !”

L’Hôtel de Langeac remplissait à la fois les fonctions de résidence privée et de légation officielle. Jefferson y résida avec ses deux filles, Patsy et Mary, son secrétaire et chargé d’affaires, William Short (qui allait lui succéder comme Ambassadeur des États-Unis en France, de 1790 à 1792), ainsi qu’un personnel de maison de sept ou huit serviteurs, parmi lesquels ses esclaves venus de Virginie, James et Sally Hemmings.
Jefferson, passionné d’agronomie et en particulier de viticulture, cultiva du maïs et des pieds de vigne dans le jardin de la maison. L’Hôtel de Langeac devint durant son séjour le centre de la vie américaine à Paris, Jefferson y recevant ses nombreux amis et invités, parmi lesquels La Fayette, Condorcet, La Rochefoucauld, ainsi que le célèbre peintre américain John Trumbull.
Après le départ de Jefferson le 26 septembre 1789, l’Hôtel de Langeac fut saisi sous la Révolution, vendu comme bien national en 1793, puis démoli en 1842.