Ane et Eléphant

Badge des Partis Démocrates et Républicains (© U.S. Department of State)
Badge des Partis Démocrates et Républicains (© U.S. Department of State)

D’où viennent l’âne, symbole du parti démocrate, et l’éléphant, qui personnifie le parti républicain ? De l’imagination de Nast, caricaturiste du XIXe siècle.

Thomas Nast, qui était républicain, représenta pour la première fois le parti démocrate sous la forme d’un âne dans un dessin exécuté en hommage posthume à Edwin Stanton, récemment décédé, qui parut le 15 janvier 1870 dans Harper’s, revue à laquelle il collaborait régulièrement et dont l’influence politique était grande.

Ancien secrétaire à la Guerre du président Lincoln, qu’il avait soutenu au cours de la guerre de Sécession tout en appartenant à un parti différent, Stanton avait été violemment attaqué par les Démocrates du nord. Nast le montrait sous l’aspect d’un lion mort auquel un âne donnait un coup de pied. Il utilisa par la suite l’âne comme symbole de l’ensemble du parti démocrate et l’introduisit ès qualité dans les caricatures qu’il consacra aux deux grandes coalitions politiques des Etats-Unis.

Quant à l’éléphant républicain, il naquit de la façon suivante: le général Grant avait été réélu président un an plus tôt lorsqu’au printemps 1874, un éditorial parut dans le New York Herald présentant le grand soldat comme un César assoiffé de pouvoirs dictatoriaux et déjà disposé à renverser la règle coutumière selon laquelle un président ne pouvait exercer trois mandats successifs.

Cette nouvelle sensationnelle, que rien ne venait étayer et qui était surtout destinée à augmenter la vente du journal en une période de marasme, se propagea avec une telle ampleur qu’elle effraya très sérieusement les hommes politiques comme les simples citoyens.

A peu près à la même époque, le journal lançait une autre nouvelle tout aussi fallacieuse, toujours dans le but d’accroître le nombre de ses lecteurs. Les animaux de la ménagerie de Central Park s’étaient échappés, écrivait le New York Herald, et erraient dans les bois, en quête de proie. La coïncidence de ces deux informations erronées, parues dans le même journal, donna immédiatement à Thomas Nast l’idée d’en tirer parti. Le 7 novembre 1874, Harper’s publiait une caricature destinée à faire comprendre au public le danger et l’inanité de l’ accusation de dictature portée contre Grant par les démocrates. Le dessin montrait, dans une forêt, différents animaux dont chacun représentait un journal, un Etat ou une question politique. Tous étaient terrifiés par un âne revêtu d’une peau de lion portant le mot « Césarisme ». Le dessin était accompagné de la légende suivante: « Un âne qui se faisait passer pour un lion circule dans la forêt et s’amuse à effrayer tous les animaux stupides qu’il rencontre sur sa route. » George Stimpson, dans son ouvrage: A Book about American Politics, interprète comme suit cette caricature:« L’éléphant, portant l’étiquette ‘Voix républicaines’, a peur lui aussi et se précipite vers une fosse piégée recouverte de planches branlantes marquées inflation, répudiation, réforme, etc. C’était, pour le caricaturiste, un moyen de se moquer avec bonne humeur de son propre parti, énorme, mais pusillanime. »Quinze jours plus tard, un autre dessin de Nast paraissait dans la même revue, après les élections marquées par la défaite des républicains. Nast illustrait cet échec en montrant le même éléphant tombé dans le piège tendu par les démocrates.

Cet animal ne cessa par la suite de personnifier le G.O.P. et, en 1969, Jack Frost, conseiller en arts graphiques auprès du comité national du parti républicain, dessinait un éléphant stylisé, évoquant la modernisation de l’une des deux grandes formations politiques des Etats-Unis.

N.B. Le sigle G.O.P. (Grand Old Party le grand vieux parti) désigne très souvent, et familièrement, lui aussi, le parti républicain.

Source: Informations et Documents, n.323, 1972.