Département d’État des États-Unis
Allocution du secrétaire d’État Michael R. Pompeo
Le 13 janvier 2020
La Silicon Valley et la sécurité nationale
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE D’ÉTAT MICHAEL R. POMPEO : Eh bien, bonjour à tous. Merci, Carl, pour cette aimable présentation. Et merci aussi au Dr Duffy de me permettre d’être ici au Commonwealth Club aujourd’hui et de m’accueillir.
J’ai eu l’occasion de me documenter un peu sur le Silicon Valley Leadership Group et sa création dans les années 70 pour résoudre l’un des plus grands problèmes de l’époque : les pannes d’électricité. On dirait que vous vous êtes remis au travail. (Rires.) Je pense que je peux faire cette blague. Je viens de Californie. (Rires.) Je pense que c’est bon.
Plus sérieusement, c’est vraiment un honneur pour moi d’être ici. Le travail qui a été fait ici dans la vallée est inimaginable. Les œuvres de génie, la contribution au monde a apporté la prospérité à des millions de personnes en Californie et dans le monde entier. Parallèlement aux idéaux américains de liberté et de démocratie, ce qui a été réalisé a amélioré l’humanité. Et ce que vous avez fait, je peux l’affirmer puisque j’ai moi-même été dans le secteur privé, est vraiment un acte de service de premier ordre, un acte de service en soi.
Et je sais aussi aujourd’hui que je m’adresse à un groupe spécial en particulier, car votre fondateur, David Packard, a illustré ce qui est vraiment spécial dans notre grande nation. Il a réalisé que le rêve américain était réel. Il l’a vécu. C’était un patriote. Il savait que la sécurité économique américaine faisait partie de la conscience sociale. Il a été secrétaire, secrétaire adjoint à la Défense dans l’administration Nixon. J’ai juste été capitaine dans l’armée… ce n’est pas mal pour M. Packard. J’essaierai de l’égaler un jour.
Il a affirmé que « le management a une responsabilité envers ses employés, ses clients, la communauté en général. » Je pense qu’il était dans cette veine, de tous nous encourager à « voir plus grand ».
Et je voudrais vous parler d’un sujet précis aujourd’hui, les défis et les opportunités que les États-Unis ont avec la Chine. Nous devons penser plus grand, peut-être, et mieux aussi. Car je suis convaincu que nous pouvons coopérer avec la Chine, comme l’a montré cette administration avec ce que sera, je l’espère, dans les prochaines heures, la signature de la première phase d’un accord commercial. C’est une chose fantastique, je crois, pour les États-Unis. Nous serions heureux de pouvoir aller plus loin.
Mais nous devons aussi affronter honnêtement des questions épineuses sur les conséquences qu’aurait pour la sécurité nationale le fait de faire des affaires dans un pays contrôlé par le Parti communiste chinois. Cela vaut surtout pour les entreprises qui développent certaines de nos technologies les plus sensibles, comme c’est le cas pour beaucoup d’entre elles ici dans cette région.
Je tiens à faire une brève allocution, puis nous répondrons aux questions que Carl présentera. Nous allons, je suis heureux de parler de presque tout avec vous. Et vous verrez que je vais parler très franchement. Une grande partie de la prospérité de l’Amérique est générée ici ; ici, maintenant et à l’avenir.
Il est étonnant de penser aux innovations stupéfiantes comme Twitter. Je sais que je regarde un compte Twitter en particulier chaque jour. (Rires.) Vous devriez tous savoir que la liberté sous-tend chaque élément de ce grand ouvrage : la liberté de penser et de communiquer ce que chacun d’entre nous veut ; la liberté d’innover et de protéger sa propriété, ses inventions ; la liberté de se concurrencer ; la liberté de ne pas être soumis à des taxes de vente transfrontalières, jusqu’à il y a quelques années seulement.
Même si vous échouez, comme beaucoup d’entre nous l’ont fait, notre système est adapté pour vous aider à vous relever et à vous remettre sur pied. Et je sais que de très nombreuses personnes dans cette salle, bon nombre d’entrepreneurs, portent l’échec comme un insigne d’honneur, parce que vous avez appris, parce que vous vous êtes améliorés et parce que vous avez continué à rivaliser. C’est ainsi que nous apprenons tous à mettre en œuvre nos idées et à les réaliser correctement la deuxième fois.
Ce système, notre idée du capitalisme avec des marchés libres, a produit la plus grande richesse et la plus grande prospérité que le monde n’ait jamais connues. La technologie a joué un rôle énorme, et nous savons tous qu’elle continuera de le faire.
Il est très clair, lorsque je parcours le monde, que c’est seulement en Amérique que les géants de la technologie ont pu sortir des garages et des dortoirs de Palo Alto et de Mountain View, et ont permis, et continuent de permettre, les libertés américaines.
Pourtant, nos entreprises font des affaires dans de nombreuses régions du monde qui ne jouissent pas de ces mêmes libertés. La Chine, et plus particulièrement le Parti communiste chinois, présente des défis uniques, surtout pour votre secteur.
Vous connaissez tous directement ces problèmes. Je vais les évoquer, mais je veux surtout vous demander votre avis. J’ai entendu des chefs d’entreprise me faire part, franchement, surtout en privé, de leurs préoccupations : la crainte de se faire pirater, la crainte qu’une entreprise soutenue par l’État chinois n’affaiblisse leurs marges, la crainte qu’une entreprise chinoise ne vole leur idée, ne la fabrique en Chine, puis ne les poursuive en justice pour violation de brevet.
Et le fait qu’on me dise cela en privé est, je pense, également très révélateur.
On en arrive à un point important : le vol endémique de la propriété intellectuelle en Chine est réel, et ce n’est pas seulement un problème pour l’entreprise concernée. Parce que cette capacité d’investir, de créer et de protéger ces droits de propriété est le fondement de toute l’économie de l’innovation que nous avons ici aux États-Unis.
En ce moment même, il y a près d’un millier de cas concernant la propriété intellectuelle ouverts au FBI, presque tous liés d’une façon ou d’une autre à la Chine.
Mais c’est, comme vous le savez, la mise en œuvre de cette propriété intellectuelle qui est tout aussi troublante. Il y a une raison pour laquelle tant de pirates et de voleurs, comme le groupe A.P.T. 10, sont liés au ministère chinois de la Sécurité d’État.
Sous Xi Jinping, le PCC a donné la priorité à ce qu’on appelle la « fusion militaro-civile ». Beaucoup d’entre vous le savent. C’est un terme technique mais une idée très simple. En vertu de la loi chinoise, les entreprises et les chercheurs chinois doivent, je répète, doivent, sous peine de poursuites judiciaires, partager la technologie avec l’armée chinoise.
L’objectif est d’assurer la domination militaire de l’Armée populaire de libération. Et la mission principale de l’APL est de maintenir l’emprise du Parti communiste chinois sur le pouvoir, ce même Parti communiste chinois qui a mené la Chine dans une direction de plus en plus autoritaire et de plus en plus répressive également. Cela va complètement à l’encontre des opinions tolérantes qui ont cours ici dans cette région et dans toute l’Amérique.
Donc, même si le Parti communiste chinois garantit que votre technologie est limitée à des utilisations pacifiques, vous devez savoir qu’il y a un risque énorme, un risque pour la sécurité nationale de l’Amérique également.
C’est un véritable problème, étant donné que beaucoup de nos entreprises les plus innovantes ont formé des partenariats avec le gouvernement chinois et les entreprises qui lui sont liées.
L’année dernière, un ami, l’ancien chef d’état-major des armées, le général Dunford, a déclaré ce qui suit lors de son témoignage devant le Sénat des États-Unis. Il a dit : « Le travail que Google fait en Chine profite indirectement à l’armée chinoise. »
Écoutez, il vous appartient de prendre les décisions commerciales. Vous avez des actionnaires pour lesquels vous devez, à qui vous devez rendre des comptes, et des conseils d’administration envers lesquels vous avez des obligations fiduciaires. Et je sais. Je sais que votre travail consiste à générer de l’argent pour vos actionnaires. L’administration Trump est tout à fait d’accord avec cela. Inventer de nouvelles choses. Changer le monde. Je comprends tout cela. Dans la petite entreprise que je dirigeais, nous essayions de faire précisément cela chaque jour.
Mais je tiens également à rappeler à chacun d’entre vous, en tant qu’Américains, en tant que citoyens d’une nation libre, que ceci est de plus en plus menacé par les actions de la Chine qui peuvent saper la liberté même que vous avez de construire votre entreprise et de créer. Ce n’est pas pour être alarmiste. Ce n’est pas pour être menaçant. C’est à nous tous d’en être conscients.
Écoutez, cela a déjà eu lieu à Washington. Nous voyons maintenant la Chine pour ce qu’elle est, et non pour ce que nous souhaitons qu’elle soit. Cela s’est produit des deux côtés de la scène politique, et les entreprises américaines se sont également ralliées à des causes patriotiques. C’est une longue histoire ici aux États-Unis. Tous ceux d’entre vous qui ont lu l’histoire se souviendront que ce que l’on appelle communément l’« arsenal de la démocratie », aussi connu sous le nom de fabrication américaine, a été essentiel à notre victoire lors de la Seconde Guerre mondiale.
Sausalito, juste de l’autre côté du pont, a été le théâtre d’une opération étonnante qui a permis la construction d’un navire marchand par semaine pendant toute la durée de la guerre. Seule l’ingéniosité américaine a pu faire cela.
Et au lendemain du 11 septembre, où 3 000 personnes ont perdu la vie, les institutions financières de New York ont offert des pages et des pages de documents qui ont aidé le FBI à identifier les pirates de l’air qui avaient commis cette terrible terreur.
Donc nous allons parler de cela aujourd’hui. Comment votre entreprise peut-elle poursuivre ce bel héritage ? Comment pouvons-nous créer de l’unité pour défendre nos entreprises et les valeurs de l’Amérique ? Je suis convaincu que nous pouvons faire les deux.
Je ne suis pas ici pour exiger que vous quittiez la Chine. En fait, c’est tout le contraire. Nous voulons que les entreprises américaines s’enrichissent en faisant des affaires là-bas. Nous voulons que vous développiez des emplois ici en Amérique et que vous bâtissiez vos entreprises avec succès. Nous voulons créer les conditions pour que vous puissiez le faire sur un pied d’égalité, dans l’esprit de respect entre nos deux nations. En effet, c’est tout l’intérêt des négociations commerciales du président Trump.
En même temps, nous devons nous assurer que nos entreprises ne concluent pas d’accords qui renforcent l’armée d’un concurrent ou qui resserrent l’emprise répressive du régime dans certaines parties du pays. Nous devons nous assurer que la technologie américaine n’alimente pas un état de surveillance orwellien. Nous devons nous assurer que les principes américains ne sont pas sacrifiés au nom de la prospérité.
Alors posez-vous quelques questions : À qui ai-je affaire ? Quel est le véritable calcul risque-rendement pour faire des affaires en Chine ? Est-ce que j’informe les cadres de mon organisation, mon conseil d’administration, mes employés, les cadres dirigeants, des choix auxquels notre entreprise est confrontée et de l’impact que cela aura, non seulement sur notre entreprise, mais aussi sur notre collectivité en général ?
Le président Trump a pris des mesures pour faire face au vol et aux pratiques économiques prédatrices de la Chine. Il exige le respect et la réciprocité. Cela se déroule cette semaine même, au moment où nous signons la première partie d’un accord commercial. Il sait que la sécurité économique est, en fait, au cœur de ma mission : assurer la sécurité nationale, protéger chacune et chacun d’entre vous.
Et nous avons mis en place des contrôles à l’exportation sur les pièces qui vont dans la machine de surveillance nationale du PCC. Nous avons examiné beaucoup plus attentivement les exportations de technologies qui pourraient avoir une utilisation militaire. Nous avons considérablement réduit la technologie nucléaire que nous partageons avec la Chine, même à des fins théoriquement pacifiques.
Nos agences gouvernementales coopèrent de façon nouvelle pour empêcher l’armée chinoise d’utiliser notre propre innovation contre nous. Et nous informons nos alliés et nos partenaires des risques massifs qu’ils courent en matière de sécurité et de protection de la vie privée en laissant Huawei construire ses réseaux 5G à l’intérieur de leur pays.
De plus, la protection de la capacité d’innovation des États-Unis est au cœur de ce que nous essayons de faire dans ces négociations. Nous ferons notre part au sein du gouvernement et nous continuerons de renforcer l’application de la loi. Vous devez savoir que nous sommes de votre côté. Mais la défense de la liberté et de la sécurité nationale n’est pas seulement le travail du gouvernement, c’est celui de chaque citoyen. Je sais que vous y contribuerez tous. Vous êtes un partenaire naturel. Il n’y a guère de communauté dans le monde qui accorde plus d’importance aux principes environnementaux, sociaux et de gouvernance que la Silicon Valley.
Écoutez, les questions difficiles que j’ai posées plus tôt n’ont pas de réponses simples, et je ne suis certainement pas ici aujourd’hui pour vous en apporter. Chaque entreprise est différente. Je sais que vous allez tous y parvenir. Je le sais parce que vous êtes des visionnaires qui avez transformé le monde. Vos entreprises reposent sur le principe d’apporter de bonnes choses à vos semblables, et je sais que vous y arriverez. En tant que secrétaire d’État de l’Amérique, j’espère que vous y parviendrez bientôt. L’Amérique est confrontée à un défi posé par la Chine qui exige chaque fibre de vos compétences et de votre esprit d’innovation.
Je vous remercie pour votre temps aujourd’hui.
(…)
- GUARDINO : Monsieur le secrétaire Pompeo, vous avez également mentionné la 5G dans votre discours liminaire. L’administration accorde une grande importance à la technologie 5G. Pourquoi l’administration considère-t-elle qu’elle est essentielle à notre domination technologique ?
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE POMPEO : J’ai effectivement mentionné la 5G. Ce défi est plus large que ça. Mais en ce qui concerne la 5G, nous voyons tant de pays qui ne sont absolument pas préparés aux conséquences que l’installation de la technologie 5G pose dans leurs systèmes nationaux en matière de sécurité. Lorsque vous vous rendez dans les pays européens, vous constatez qu’ils sont tout à fait conscients de la nécessité de protéger les données personnelles de leurs concitoyens, leurs dossiers médicaux, toutes ces choses qu’aucun d’entre nous ne souhaite voir apparaître dans l’espace public, et pourtant ils sont prêts à permettre à ces informations de transiter par les infrastructures chinoises.
Et je leur rappelle, et c’est une analogie imparfaite, et j’en suis profondément conscient, mais aucun d’entre nous n’aurait installé la technologie soviétique. N’est-ce pas ? Jamais nous n’aurions permis à nos concitoyens d’aller … de faire cela. C’est grâce à cette technologie que le Parti communiste chinois aura accès à ces informations. Comment ils les auront, quand ils les auront, dans quelle mesure ils décideront d’y avoir accès, nous pouvons tous en débattre. Mais ne vous méprenez pas, ils auront la capacité d’obtenir ces informations extrêmement personnelles.
Cela rend les choses plus difficiles, en tant que personne ayant dirigé la CIA pendant 18 mois ; si cela n’est pas fait correctement, les relations étroites de partage d’informations que nous avons avec ces pays sont potentiellement menacées. Nous ne permettrons jamais que des informations sensibles des États-Unis transitent par un réseau que nous croyons en toute connaissance de cause ne pas être un réseau de confiance, et cette technologie, malgré toute sa splendeur, en fait, certaines des choses qui la rendent si spéciale, engendrent ces mêmes risques à profusion.
(…)
- GUARDINO : Monsieur le secrétaire Pompeo, en tant que secrétaire d’État, vous entretenez des relations étroites avec de nombreux dirigeants étrangers. Comment vos homologues perçoivent-ils le défi qui consiste à favoriser le commerce international tout en protégeant les technologies essentielles ?
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE POMPEO : C’est fascinant. La même chose se produit, je pense, dans toutes les institutions. Si je parle à mes homologues de l’équipe de la sécurité nationale, ils sont avec nous, puis ils vont voir leur ministère du Commerce et leur ministère du Trésor, et ils ont une perspective différente, une optique différente. C’est tout à fait logique, chacun est chargé d’une mission différente.
Mais ce que j’ai constaté, que ce soit avec nos homologues européens ou nos homologues de l’Asie du Sud-Est, c’est qu’ils tiennent compte de l’analyse technique que nous leur fournissons. Pour nous, ce n’est pas une question de politique. En effet, certaines des meilleures technologies 5G ne sont pas, c’est vrai, c’est dans les pays européens, pas ici aux États-Unis, parmi celles qui pourraient le plus directement et le plus rapidement défier Huawei. Il ne s’agit donc pas de vendre des produits américains. Ce n’est pas un effort commercial américain. C’est un effort de sécurité nationale.
Et ils doivent donc également faire leurs propres calculs. Certains de ces pays ne sont pas des pays très riches, et donc lorsque les Chinois se présentent avec la technologie Huawei, qu’elle est bon marché, qu’elle est prête et qu’elle peut fonctionner, je comprends l’intérêt. Nous devons donc les aider à comprendre les risques qui y sont associés, puis chaque pays doit prendre sa propre décision souveraine.
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Nous vous proposons cette traduction à titre gracieux. Seul le texte original en anglais fait foi.